Au cinéma, dans les galeries, comme dans les clips, les jeux-vidéos, jusque sur les réseaux sociaux, le street art a envahi le paysage artistique mondial. Longtemps considéré comme un phénomène de mode lié à l’essor des cultures urbaines dans les années 2000, il apparaît aussi comme étant un moyen d’expression à la fois libertaire et subversif. Aussi nous avons souhaité explorer ce « nouveau » mode de communication.

Nous nous sommes rendus à l’exposition “Les Pionniers du Street art” pour en découvrir davantage sur ce courant dont nous ignorons beaucoup de choses. Celle-ci se tient jusqu’au dimanche 9 avril 2023 à l’Institut Culturel Bernard Magrez et nous vous incitons à aller y faire un tour.

Cette exposition met en évidence différents leviers de communication :

 

 

 

Le street art : arme de revendication politique

Il transgresse les lois et cherche à s’affranchir de l’autorité, comme le clame Epsylon Point : “Écrire sur les murs est un acte revendicateur”. Pour lui, le street art souhaite avant tout véhiculer des messages politiques. Il cherche sans cesse à susciter la réaction du spectateur à travers ses oeuvres. De nombreux artistes partagent son avis et ont d’ailleurs cherché des techniques de plus en plus performantes pour exprimer leur art et leurs messages tout en échappant aux autorités.

En ce sens, de nombreux artistes comme Gérard Zlotykamien réalisaient des oeuvres à l’aide de bombes de peintures, mais cette technique était relativement longue et exposait les artistes aux dangers de la police.
Aussi, les années 1980 accompagnent une nouvelle vague créative : le pochoir permet de gagner du temps et limite considérablement le risque de se faire surprendre par les forces de l’ordre.

 

Le street art : moyen d’expression, force d’interpellation

Au delà de l’acte de transgression, le street art n’est jamais vide de sens. Il cherche toujours à exprimer une idée, faire passer un message et interpeller : grapher, c’est communiquer ! Aussi, l’artiste Miss.Tic (disparue très récemment à Paris, en mai 2022) prône d’ailleurs un discours féministe à travers ses œuvres. Elle habille les murs de Paris d’une phrase à la fois poétique et engagée et d’un dessin aux traits féminins réalisé au pochoir.

 

 

 

 

 

 

Tout comme Miss.Tic, Gerard Zlotykamien prend souvent position et n’hésite pas à rendre hommage. Dans l’une de ses œuvres, “Les éphémères » qu’il produit en 1963, il évoque les victimes de la bombe atomique lâchée sur Hiroshima qui ne laissa que des silhouettes calcinées sur les murs. Par cet acte, il choisit de dénoncer, revenir sur l’un des événements tragique de notre Histoire, tout en restant en dehors.

 

 

 

Le street art : assemblage, langage et détournement

En 1957, Jacques Villeglé adopte, quant à lui, une méthode différente de ses confrères. Il détourne et assemble des supports de communication : publicités, docs de spectacles, coupures de journaux… Tout est recomposé pour créer des oeuvres à fortes valeurs communicationnelles. Voilà que d’anciennes affiches, peuvent faire émerger de nouveaux messages et finalement donner naissance à une œuvre. En marge de ce travail, J. Villeglé assemble, compose et va même jusqu’à élaborer un nouveau langage : un alphabet socio-politique, une écriture qui interpelle où les lettres sont transformées par des signes porteurs de sens autoritaire.

 

 

Le street art : témoin d’actualité et symbole d’engagement

Au coeur d’une autre exposition, nous avons relevé un coup de coeur, repéré artiste engagé qui utilise son art pour faire passer des messages d’actualité et ainsi communiquer :

Le graffeur Seth est exposé jusqu’au 22 janvier 23 (vite, vite…) ! Il nous propose de le suivre à travers le monde grâce à ses fresques toutes en couleurs : ses personnages enfantins se font témoins d’un monde en évolution, d’un artiste en questionnement. Une illustration nous a particulièrement ému, celle où une petite fille symbolise le courage et la détermination du peuple ukrainien face à l’invasion russe. Peinte sur un mur à Paris trois jours après le début de la guerre, l’artiste Seth la décline aujourd’hui en édition ouverte.

Après l’expo, interrogeons-nous :

Le street art peut-il se mettre au service de la communication ?

Tantôt perçu comme un levier stratégique, tantôt comme un effet de mode, le street art est marqué par les époques et les bruits du monde et se moque, bien souvent, des codes ou des temporalités. Or, même si l’efficacité d’une campagne artistique est souvent indiscutable, dans la mesure où l’art a une valeur sociale et convoque des approches sensibles, créatrices d’émotions ; l’impact de la communication se mesure dans le temps, jeu de temps court et de temps long : voilà que la communication reste une force stratégique et l’art un formidable moyen d’expression. Chacun puissant à leur endroit, c’est souvent le contexte, l’opportunité du moment choisi qui permettra une union favorable entre les deux, fruit d’une campagne ou d’une opération souvent réussie.

 

Maïa Parquet et Margaux Neveu