Il y a presque un an, le premier confinement forcé a ébranlé le travail des communicants. Fin novembre, le dernier Meet ISIC, rendez-vous dédié à l’actualité communicationnelle, a fait la part belle à trois ex-Isiciennes au cœur du réacteur” de la crise du Covid-19. Réunies à distance par l’association d’anciens étudiants Post ISIC, Claire Dorland, Laure Duplaa et Aurélie Riquelme ont mis à profit leur œil d’expertes pour décrypter la communication à l’aune de la pandémie. S’adapter, revoir ses stratégies, bousculer ses priorités, reconstruire ses modes de fonctionnement… Retour sur la façon dont elles ont vécu cette crise inattendue et les leçons qu’elles en ont tiré.

 

etudiant qui regarde une affiche avec des graphique pour produire un message universel

Durant la pandémie, Aurélie Riquelme, chargée de communication à l’ARS Nouvelle-Aquitaine, a privilégié les outils de facilitation graphique pour produire un message universel. ⓒ Agathe Salat

 

Devant une vingtaine d’auditeurs virtuels, les trois expertes ont fait le même constat : le coronavirus a déstabilisé les ordres protocolaires habituels. C’était une période spéciale. Une crise nouvelle et inconnue, a expliqué Aurélie Riquelme, chargée de communication de l’Agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine. Dès le début, il a fallu être transparents pour les journalistes et les citoyens. Tous voulaient des réponses.”

 

Ancienne adjointe à la direction de la communication des Hôpitaux de Paris, Aurélie a été surprise par les conséquences du coronavirus sur l’organisation interne. Généralement, deux personnes par service sont détachées en période de crise, a-t-elle affirmé. Là, tous les agents, quel que soit leur domaine de compétence et leur formation initiale, ont dû être mobilisés.” Pire, malgré l’adaptation des équipes, la charge de travail n’a pas diminué. Nous recevions des informations en continu. Il fallait les réceptionner, les trier, les analyser puis les reformuler”, a poursuivi celle qui était au centre de l’attention.

Des communicantes au cœur de la crise

Travailler en période d’incertitude 

Dans le secteur de la santé, la mise en place de cellules de crise est monnaie courante. Pollution ou accidents, les communicants jouent un rôle central dans la sensibilisation des citoyens aux dangers du quotidien. À l’échelle régionale, nous avons dû faire face à une épidémie de rougeole avant le Covid-19, s’est remémoré Aurélie Riquelme. Le phénomène nous a un peu préparés.” 

 

Même son de cloche du côté de Laure Duplaa, directrice de la communication de Val de Garonne Agglomération. Pourtant familière des situations de crise, la spécialiste a tout autant été prise de court par le confinement. Il y a une différence avec ce que j’ai connu en centrale nucléaire, a-t-elle déploré. Grâce à mon expérience de communicante pour la branche nucléaire d’EDF, j’ai facilement pu activer la cellule de crise.” 

 

Le secteur de l’événementiel n’a pas non plus été épargné. Récemment recrutée en tant que cheffe de projet de l’Evian Championship, Claire Dorland a dû composer avec les annonces gouvernementales. “Ça a été un grand chamboulement dans l’organisation du tournoi”, a-t-elle répété. Sur le plan sportif, le rendez-vous international réunit habituellement les 120 meilleures golfeuses mondiales. Pour la première fois depuis sa création, il y a 25 ans, l’événement sportif a été reporté puis annulé. “Normalement, le tournoi rassemble 5 000 invités et 35 000 spectateurs durant quatre jours”, a précisé la jeune communicante.

 

De nouvelles formes de collaboration 

Loin du confort habituel, le travail avec les collaborateurs a totalement été remanié, surtout dans le secteur de l’événementiel. “Nous travaillons avec une trentaine de partenaires comme Rolex, BMW ou encore Veuve Clicquot. Avec la crise, il a fallu revoir nos manières de communiquer avec eux”, a affirmé Claire Dorland. À l’avenir, ceux-ci pourraient devenir frileux alors que le sponsoring représente 90% du budget final de l’événement, selon celle qui était déjà organisatrice en 2019. Tout l’enjeu sera donc, dans les mois qui viennent, de les rassurer. “Il y aura une édition 2021 mais pour l’instant, on ne sait pas dans quelles conditions. On espère du soleil et peu de contraintes sanitaires”, a avoué la détentrice d’un master en Stratégie et politique de communication

 

À l’inverse, il y a du bon dans les changements forcés par la crise pour Laure Duplaa. “Grâce au Covid-19, on a développé une meilleure communication avec les communes de l’agglomération. Nous avons construit un pacte de gouvernance et nous continuerons à les soutenir”, s’est-elle enthousiasmée. Pendant le confinement, le service communication de Val de Garonne Agglomération a également remodelé son journal interne. “Léger, drôle, plus court et concis, il est désormais distribué numériquement chaque semaine”, a-t-elle ajouté.  

 

Portrait en noir et blanc de Claire Dorland, Laure Duplaa ,Aurélie Riquelme et Claudia dans le cadre d'une rencontre

Lors de la conférence, Claire Dorland, Laure Duplaa et Aurélie Riquelme ont été questionnées par Claudia Dubois, ex-Isicienne, communicante et journaliste. ⓒ Post ISIC

 

Revoir ses stratégies de communication

Fédérer les publics autour d’outils digitaux 

Le confinement et la crise du Covid-19 ont surtout permis aux communicants de réinventer leur façon d’exercer leur profession. Le service de Laure Duplaa a fait le choix de redynamiser la page Facebook de la communauté d’agglomération”. Ce virage communicationnel a boosté de 20 % son nombre d’abonnés en seulement deux mois. On finit l’année 2020 avec une augmentation de 60 % du nombre de followers. Depuis quelques années, nous étions en ‘encéphalogramme plat’”, a-t-elle souri. 

 

À l’instar de la communauté d’agglomération lot-et-garonnaise, l’ARS a également préféré miser sur les outils digitaux et les supports audiovisuels. Résultat, l’équipe a produit un remake humoristique d’un dialogue de Patrick Swayze dans Dirty Dancing. Baptisée Dirty Covid-19 et pensé par Aurélie Riquelme alors qu’elle rentrait du travail à vélo, la courte vidéo a fait réagir plus de 4 000 internautes. 

  

L’image comme vecteur de messages en période de crise 

Si les outils faciles à lire et à comprendre (Falc) ont été utilisés à l’échelle nationale, l’ARS Nouvelle-Aquitaine a préféré la mise en image. On a fait le choix d’utiliser la facilitation graphique pour expliquer des schémas complexes”, a commenté Aurélie Riquelme. Lorsque l’organisation a chapeauté les premiers dépistages au Covid-19, différenciés en trois niveaux, la méthode s’est d’ailleurs imposée. “J’en avais imprimé une, en grand format, et un interne me l’a arrachée des mains. Il a crié : ‘Mais c’est ça dont j’ai besoin’”, a souri celle qui a mis à profit son appétence pour le dessin.

 

À distance, faute de pouvoir communiquer comme avant, les trois ex-Isiciennes ont su faire preuve d’optimisme pendant la crise. Revoir leurs stratégies de communication, s’acclimater aux outils digitaux ou rassurer leurs partenaires… Les expertes en communication ont été contraintes d’utiliser de nouveaux outils communicationnels qu’elles ont fini par définitivement adopter.

 

 Agathe Salat, étudiante en master Stratégie et politique de communication