“En 1995, une page pesait 14ko. en 2019, c’est environ 2000 ko. A titre d’exemple, l’ordinateur qui a permis de poser le pied sur la Lune (AGC) fonctionnait pour 70ko, moins que nos mails aujourd’hui”, confirme Christophe Clouzeau, designers Éthiques du Collectif GreenIT et invité de la conférence Eco-Conception de site web pour Reboot! . Cette augmentation croissante, plus communément appelée “Gras Numérique”, n’est que la conséquence d’années de refus de conscience sur cette pollution. Cette dernière produit environ 4% de gaz à effet de serre de plus que l’aéronautique. Et ce dû à la création en chaîne de nouvelles télévisions, smartphones, intelligences artificielles et bien d’autres technologies toutes plus gloutonnes les unes que les autres. Christophe Clouzeau poursuit en expliquant que “globalement, l’impact écologique du numérique double tous les 15 ans et sa consommation d’énergie, elle, double tous les 8 ans. En 2030, de nombreux activistes de la cause estiment que le numérique composera plus de 10% des gaz à effet de serre mondiaux et 20% de la consommation d’électricité.”
“Il y a une inculture numérique…”
Vu par beaucoup comme immatériel dans le “cloud”, le numérique est bien sur le sol terrestre et dans nos océans. Sur leur site, la communauté des acteurs du numérique responsable de GreenIT explique les trois tiers techniques du numérique : premièrement, il y a les Data centers (utilisés comme services d’hébergement), puis les infrastructures réseaux (Google, Samsung, etc), et enfin les terminaux des utilisateurs (Télévision, smartphone, tablettes, etc).
Bien que les médias pointent du doigt les data centers comme le seul problème dans la pollution numérique, c’est en fait les terminaux qui impactent majoritairement. La fabrication d’un outil numérique ne provoque pas que des gaz à effet serre mais aussi de l’énergie, des ressources, des déchets et de l’eau.
Le geste écologique est alors de réduire ses achats de terminaux : on choisit du reconditionné, on imprime moins, on écrit son mémoire sur Google Drive, on partage, on écrit à ses amis sur Messenger, etc. Cette bonne conscience est en fait un mythe car son impact s’avère insignifiant. “Le numérique va devenir un des enjeux les plus lourds à supporter d’un point de vue écologique. […] On parle d’une multiplication infinie du trafic sur internet, avec en plus les objets autonomes.” affirme Amar Lakel, chercheur et professeur à l’ISIC. “L’idée que le numérique est immatériel montre une inculture numérique, les gens comprennent très peu ce que c’est le numérique”. Cette méconnaissance provoque une neutralité, voire une positivité, au sujet de l’utilisation d’Internet, et ne souligne pas ce que les spécialistes appellent aujourd’hui l’obésité numérique et l’obésiciel.
Les sites éco responsables : le mouvement pour un internet plus propre
Depuis la création des ordinateurs dans les années 1990, les chercheurs n’ont cessé d’étudier la question. Aujourd’hui, une solution envisageable serait l’éco-conception. Cette pratique fait partie d’une démarche plus grande : le numérique responsable. Celui-ci tient compte de la sobriété, l’inclusivité, l’éthique, l’accessibilité, la performance, la durabilité.
L’idée qui se cache derrière est de créer des services et des objets numériques en faveur du développement durable. Par exemple, dès sa conception, un site web éco-conçu devrait comporter une page ne dépassant pas 2Mo. À titre d’exemple, la page d’accueil du journal quotidien Ouest France, consomme plus du triple; les publicités représentant deux tiers du poids de la page. Certaines fonctionnalités rendent aussi les sites très lourds. Sur le site des prochains Jeux Olympiques, un Timer nous indique le temps restant jusqu’au début de la compétition (23 Mo).
Greenwashing ou changement de pensée ?
“La première demande, c’est combien ça coûte, à partir de là on va chercher à réduire le budget, si on veut aller vite on ne fait pas un site éco-conçu ou on le fait moins. Certains clients vont s’y intéresser, mais la demande principale c’est le budget” explique Joris Liberati, directeur chez LEOXA et intervenant à l’ISIC. Le coût financier d’un site web éco-conçu est donc un premier obstacle à sa création.
Associé à une inculture numérique générale, nos intervenants tendent à dire qu’aller vers l’éco-conception ne va pas encore de soi : “Quand la question est posée, ce sont des gens sensibles au sujet au-delà du web qui vont vers ce genre de démarche. Rien que de s’y intéresser c’est avoir une action éco responsable dans d’autres domaines. Ce sujet commence à émerger. Heureusement parce que l’impact du web est exponentiel. Mais mes clients regardent plus les nouvelles technologies que l’impact écolo”.
Malgré les critiques écologistes depuis le début d’internet, les sites éco responsable semblent être encore un épiphénomène, dans un monde numérique encore trop peu conscient de sa responsabilité environnemental.
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Félix GAUDRIE et Léa GEORGE